May 5, 20212
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Sur le terrain
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Aux côtés des étudiants en situation de précarité

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La crise du Covid-19 n’épargne pas le monde étudiant. Jour après jour, ils sont de plus en plus nombreux à connaître des difficultés significatives, à basculer, pour certains, dans la grande précarité. Stress, isolement social, rupture dans le parcours de soins, troubles alimentaires, incertitudes, absence de perspectives… Face à cette situation, la Croix-Rouge intensifie ses actions à destination des jeunes.

Sur le campus de Dijon

« En novembre dernier, nous avons été contactés par la Fédération étudiante de Bourgogne inter-associative (FEBIA) pour mettre en place une action commune sur le campus de Dijon. Deux grandes problématiques étaient identifiées : l’isolement social croissant de nombreux étudiants et leurs difficultés à se nourrir. C’était avant la mesure des deux repas par jour à 1 euro », raconte Arthur Bernardin, référent engagement à l’unité locale de la Croix-Rouge de Dijon. Dans la foulée, une réunion a été organisée avec la FEBIA et le Crous, et la décision fut prise de créer une épicerie sociale pour les étudiants en situation de précarité. Ouverte trois jours par semaine depuis le mois de décembre, elle est installée dans un bâtiment universitaire et accueille près de 180 étudiants. « L’objectif est de leur permettre de faire des achats à très bas coût (10 % du prix du marché), tout en ayant l’occasion d’échanger et de créer du lien avec l’équipe. D’ailleurs, une vingtaine d’étudiants bénéficiaires sont devenus bénévoles à l’épicerie sociale depuis », souligne Arthur Bernardin.

En mobilisant six à huit personnes de l’unité locale, par roulement, la Croix-Rouge de Dijon assure les approvisionnements de denrées alimentaires, la logistique, le suivi administratif et financier. Par ailleurs, une vestiboutique a été installée récemment pour proposer des vêtements à petits prix. « Notre volonté est de soutenir la FEBIA, de l’aider dans certaines de ses missions, ajoute Arthur Bernardin. C’est important pour nous de créer des liens durables avec le monde étudiant, d’être présents auprès de ce public parfois oublié des actions de solidarité. » L’unité locale de Dijon sait de quoi elle parle, elle qui compte dans ses rangs 50 % de bénévoles de moins de 30 ans. D’ailleurs, de nouveaux projets devraient émerger dans le cadre de ce partenariat, pour aller plus loin dans la lutte contre l’isolement. Quant à l’implication de la Croix-Rouge dans l’épicerie sociale, elle est d’ores et déjà actée jusqu’à la fin de l’année universitaire, au mois de juin.

C’est important pour nous de créer des liens durables avec le monde étudiant, d’être présents auprès de ce public parfois oublié des actions de solidarité. Arthur Bernardin, référent engagement à l’unité locale de la Croix-Rouge de Dijon

Sur le campus de Nanterre

Sur 1 300 étudiants hébergés sur le campus, 250 à 300 sont en situation de précarité. Fin janvier, l’association SOS Etudiants a contacté la Croix-Rouge de Nanterre pour l’aider à organiser à collecter des produits d’hygiène et assurer les distributions sur le site. « Cette association, créée après le premier confinement, organise une grande distribution chaque premier samedi du mois, précise Bernardo de Matos, directeur local de l’urgence et du secourisme (DLUS) à la Croix-Rouge de Nanterre. Bien sûr, nous avons accepté tout de suite d’apporter un soutien logistique et les produits manquants (gel douche, shampoing, dentifrice, protections périodiques, etc.). » Parallèlement, la Croix-Rouge a proposé au Crous et aux associations étudiantes de coordonner les distributions et souhaite par ailleurs mettre en place des actions à plus long terme sur le campus. Une enquête a été réalisée auprès d’une centaine d’étudiants le 28 février dernier, afin de mieux cerner les besoins. Une vestiboutique éphémère et un « point info services » étaient également sur place. « Les échanges que nous avons eus avec les jeunes nous indiquent qu’il y a beaucoup de non-recours aux aides et qu’un accompagnement spécifique pourrait être bienvenu. Par ailleurs, de nombreux étudiants sont en rupture de suivi médical et il y a, là aussi, des choses à faire, comme organiser l’intervention de dentistes, par exemple. Enfin, le besoin en soutien psychologique étant particulièrement fort, il faut travailler pour détecter et orienter vers des professionnels, ajoute Bernardo de Matos. Etre à leurs côtés est en effet plus que jamais nécessaire. » Faute de jobs étudiants, nombre d’étudiants n’ont plus aucune rentrée d’argent. De plus, vivre dans des logements de 9m2 en moyenne favorise l’anxiété et le sentiment de privation de liberté. Premier confinement, deuxième confinement, couvre-feu, majorité des cours en distanciel, impossibilité de se projeter… Certes, les étudiants sont de bonne volonté, mais certaines situations sont vraiment alarmantes.

 

Propos recueillis par Anne-Lucie Acar

Direct, un dispositif de soutien inédit pour étudiants en détresse psychique

 

Après un mois d’expérimentation, la délégation territoriale de l’Hérault, le Crous de Montpellier-Occitanie et le Samu-centre 15 du centre hospitalier universitaire de Montpellier ont mis en place le dispositif Direct – Dispositif d’intervention rapide étudiants Crous en situation de tension psychique -pour assister des jeunes en situation de mal-être. Les explications de Clément Marragou, président de la délégation territoriale de l’Hérault.

 

 

Qu’est-ce qui vous a conduit à proposer ce dispositif ?

 

Isolement, précarité, désespoir, absence de perspectives…, au dernier trimestre de l’année 2020, quatre étudiants se sont suicidés sur leur campus montpelliérain. Le contexte de crise est désormais bien connu et le Crous de Montpellier-Occitanie a pris la mesure de la situation en mettant en place un système d’étudiants relais. Ils effectuent une veille et sont en capacité d’identifier des camarades en situation de mal-être aigü, voire de détresse. Ils alertent alors les services du Crous qui n’avaient jusqu’ici que deux options, soit faire intervenir un médecin de garde, soit inciter l’étudiant à se rendre aux urgences ou chez un médecin. Cette alternative n’était pas satisfaisante puisque près de 70 % des étudiants, ne relevant pas d’une prise en charge médicale urgente, ne se rendaient pas en consultation et passaient alors « sous les radars », avec tous les risques inhérents. En partenariat avec le Crous et le Samu-centre 15 du CHU de Montpellier, nous avons donc imaginé ce nouveau dispositif, qui nous permet d’intervenir très rapidement, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

 

Concrètement, comment fonctionne ce dispositif d’urgence ?

 

À n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, les services du Crous peuvent contacter le cadre d’astreinte de la Croix-Rouge française. Nous nous engageons à être sur place en moins d’une heure avec, à bord du véhicule, trois bénévoles secouristes formés au soutien psychologique et un professionnel de la santé. Sur place, l’équipe écoute et échange d’aord avec l’étudiant en difficulté. Deux options sont ensuite possibles : son maintien à domicile, avec la mise en place rapide d’un suivi psychologique par des structures partenaires, ou bien un transfert aux urgences pour une consultation avec un professionnel de la santé mentale. Dans tous les cas, nous prévenons la régulation du Samu afin d’évoquer la suite de la prise en charge. En outre, pour prendre la bonne décision, nous sommes en capacité de réaliser un bilan précis, de noter les critères d’urgence psychiatrique, de faire le lien avec d’éventuels problèmes d’ordre physiologique (dénutrition, prise de toxiques, etc.).

 

Quels sont les points forts de ce dispositif ?

 

Tout d’abord, ce sont les compétences transversales de nos équipes en logistique, santé et gestion de l’urgence. Nos équipiers sont formés, à la fois au secourisme et au soutien psychologique. C’est aussi le fait d’être en capacité d’intervenir rapidement , et avec le matériel adéquat. Nos compétences viennent s’associer au travail de fond mené par le personnel du Crous, ainsi qu’à l’expertise médicale du CHU de Montpellier. En un mois d’expérimentation, nous avons réalisé six interventions, dont deux ont entraîné une hospitalisation immédiate. À chaque intervention, ce dispositif démontre sa pertinence et son efficacité.

Propos recueillis par Anne-Lucie Acar