May 5, 20212
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Sur le terrain
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Du côté des seniors

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Quand on est âgé, les effets des confinements successifs et la tension générale sont particulièrement palpables. Étant convaincus de l’importance de la qualité de l’accompagnement, nous affirmons que les enjeux liés au lien social sont tout aussi importants que les soins. Pour faire le point sur ce sujet, nous avons interrogé Johan Girard, notre délégué national pour la filière Personnes âgées et domicile.  

Depuis le premier confinement, qu’est ce qui a évolué pour les personnes âgées que nous accompagnons ?

 

Les mesures mises en place au printemps 2020 comportaient des règles assez drastiques pour les personnes âgées – voire liberticides – avec un confinement en chambre dans les Ehpad. Le manque d’interactions sociales a entraîné des pertes cognitives et physiques. Cela nous a conduit à agir plus intensément contre l’isolement. Nous nous sommes ainsi appuyés sur des dispositifs numériques pour maintenir les contacts des seniors avec leurs proches. Cela s’est matérialisé par le déploiement de l’accès à des tablettes pour les appels en visioconférence, de masques de réalité virtuelle permettant des évasions à travers des voyages immersifs, ainsi que de casques pour la musicothérapie. Ces dispositifs sont de bonnes alternatives non médicamenteuses pour lutter contre l’anxiété. Dans la même veine, nous avons utilisé le réseau social Famileo, en partenariat avec AG2R La Mondiale, afin de favoriser le maintien du lien social. Nous nous sommes également particulièrement investis dans les négociations qui ont permis les visites sécurisées des familles dans les Ehpad.

 

Quels enseignements avons-nous tiré de la gestion de la pandémie pendant la première vague ?

 

Le premier est plutôt négatif, dans le sens où, parmi les décisions prises, la parole des personnes âgées n’a pas été prise en compte. On ne les a ni consultées ni impliquées. D’ailleurs, cela confirme la place et le rôle que la société accorde à ses aînés… D’autre part, même si c’était fait dans un esprit bienveillant, la gestion de cette première vague a démontré que la surprotection pouvait avoir un effet délétère sur les seniors. Le second enseignement est plus positif. Nous avons pu observer une grande résilience de la part des personnes âgées, de leurs proches et de nos intervenants. Notre personnel a fait preuve d’un engagement remarquable, dans des conditions difficiles, malgré un épuisement généralisé, aussi bien physique que psychique.

 

Comment les seniors ont-ils vécu la « deuxième vague » ?

 

D’après les retours que j’ai eus, je peux constater de leur part une certaine forme d’acceptation. Ils ont parfois connu la guerre, ou d’autres moments dramatiques liés à leur histoire. Face à la crise actuelle, ils ont su, de la même manière, s’adapter à une situation difficile et au long cours. Quelques-uns ont noué des relations différentes, caractérisées par plus de proximité, avec les professionnels qui les accompagnent. J’ai aussi le sentiment qu’il vivent la situation un peu mieux, car ils ont retrouvé leurs proches depuis l’ouverture des établissements aux visites. Par ailleurs, grâce aux actions de lobbying que nous avons soutenues, certains ont pu participer aux fêtes de fin d’année auprès de leur famille. Globalement, même si leur quotidien est pesant, comme pour tout autre citoyen, il me semble que cela a été moins dur.

 

Nous avons commencé à vacciner dans nos Ehpad. Comment est-ce vécu ?

 

Au tout départ, que ce soit pour les salariés ou les résidents, la crainte et le scepticisme prédominaient. Depuis que la vaccination a débuté, avec une communication adaptée, notamment sur ce qu’est un ARN messager, la tendance s’est progressivement inversée. D’ailleurs, on observe une volonté plus marquée de se faire vacciner du côté des résidents. Certains ont même rapidement fait preuve d’une grande impatience, je pense ici plus particulièrement à notre Ehpad de Carignan où l’on a constaté une forte demande.

Un an de lutte au sein de nos établissements et services

Murielle Jamot est à la tête de la direction des métiers et des opérations qui encadre nos activités sanitaires, sociales et médico-sociales, ainsi que nos instituts de formation. Cela représente 600 établissements et services, 30 000 salariés et bénévoles et 20 000 apprenants impactés par la pandémie de Covid-19 depuis un an. Elle dresse un bilan sur l’état des  équipes après un an de pandémie. 

Nos équipes tiennent le choc et demeurent très  actives, mais évidemment on peut observer une  lassitude généralisée. Elles ont subi beaucoup de stress  au début, au moment où nous n’avions pas encore l’équipement nécessaire et où l’on ne connaissait pas  bien ce nouveau virus. Depuis, notre personnel est  bien équipé et mieux préparé. Cependant, vu la durée  de la crise, la fatigue des équipes est omniprésente. Certains ont aussi été touchés directement par la  maladie, surtout nos intervenants auprès des personnes  âgées, mais également ceux de la filière sanitaire. Fort  heureusement, nous n’avons pas eu à déplorer de décès lié au Covid-19 au sein de nos effectifs.

Concernant la vaccination lancée dès janvier 2021 dans nos établissements, à destination des résidents de nos Ehpad et des 635 salariés éligibles, elle nous donne une lueur d’espoir autour de l’idée d’une gestion plus aisée de la crise dans les mois à venir, même si cela sera encore long.  

* Propos recueillis le 2 février 2021 par Benjamin Lagrange